20 novembre 2016

 A la découverte de l'imagerie de la femme avec le Pr Marc Bazot

Entretien pour le journal RADIOACTIF

Pr Marc Bazot, PU-PH (hôpital Tenon)
'L'imagerie de la femme, ce n'est pas une spécialité de photographes; c'est une discipline qui reste clinique. On ne fait pas des images; on est médecin.'
L'attrait de la spécialité
C'est la plus belle des disciplines, sans plaisanter. L'imagerie de la femme est une spécialité absolument fantastique qui regroupe imagerie sénologique et gynécologique.
L'imagerie sénologique est essentiellement représentée par le cancer du sein, du fait de sa fréquence. L'imagerie gynécologique, c'est une approche avec plein de pathologies différentes permettant de passer du bénin, au fonctionnel et à la cancérologie. La palette est très large et, surtout, les applications thérapeutiques sont importantes. C'est quelque chose qui est toujours différent; on n'est jamais confronté à la même pathologie. Vous êtes merveilleuses, mesdames, vous n'avez jamais la même chose !

La place centrale de l'échographie
Un radiologue qui se destine à l'imagerie de la femme doit avant tout être échographiste. La formation à l'échographie est essentielle car c'est le point de départ de pratiquement toutes les indications d'imagerie en pathologie gynécologique et un filtre important. Dans ce domaine, la grosse erreur actuellement est de court-circuiter l'échographie ou de se baser sur une échographie sous-optimale pour demander une IRM qui ne sert à rien. Ce n'est pas parce que l'IRM est disponible que c'est un examen (coûteux) à demander à tout bout de champ.

Une spécialité où la clinique est clé
L'imagerie de la femme, ce n'est pas une spécialité de photographes; c'est une discipline qui reste clinique, et le contact avec les patientes est essentiel. Prendre en charge une pathologie sénologique sans savoir examiner un sein, ça n'en vaut pas la peine. A titre d'exemple en gynécologie, on peut citer le bilan d'endométriose : après l'échographie, réaliser un examen clinique va vous donner une impression supplémentaire et, avant, l'interrogatoire est fondamental !
Le terme 'imagerie médicale' me déplaît. On ne fait pas des images. Nous faisons des diagnostics basés sur de l'imagerie, et ces diagnostics doivent aider en réunion de concertation pluridisciplinaire pour prendre des décisions thérapeutiques. On est médecin avant tout. Mais la notion de patientèle, très spécialiste-dépendante, est quelque chose qui m'énerve beaucoup. Un gynécologue dira : 'c'est ma patiente', formulation qui m'insupporte profondément. Non, c'est la patiente dont s'occupe un certain nombre de spécialistes. Le référent est le gynécologue, certes, puisque c'est lui qui est amené à suspecter puis à traiter une pathologie. Mais au milieu de tout cela, il ne faut jamais oublier que le radiologue a un rôle diagnostique essentiel et, pour les pathologies qui le nécessitent, un rôle de suivi.
Et puis... la femme est le centre du monde (sourire). Je suis très sérieux. Elle a un relationnel par rapport à la maladie qui, à mon avis, est beaucoup plus solide que celui de l'homme. La force de caractère extraordinaire des malades les plus graves que j'ai été amené à diagnostiquer est la plus belle expérience qui m'ait été donnée.

Les conseils pour s'engager dans cette voie
Il ne faut pas se précipiter trop rapidement vers une spécialité. Une bonne formation générale de départ est importante car des interfaces existent entre les disciplines : ce qui est développé dans la sphère de l'imagerie de la femme a été développé d'une autre façon dans une autre discipline. Entretenir ces liens, le plus longtemps possible, aide à la compréhension des choses.
Les internes ont plus de facilité à se former à Paris du fait de la quantité de terrains de stage accessibles. 
Je recommanderai :
- Un semestre en imagerie gynécologique
- Un semestre dans un service de radiologie générale avec un secteur dédié à l'imagerie sénologique (intérêt de l'exploration de toute la pathologie mammaire, du bénin au malin, du dépistage à la prise en charge du cancer) ou dans un centre anti-cancéreux (pour une approche plus ciblée), idéalement les deux
- Suivre au moins un diplôme universitaire
- Assister aux séances dédiées des JFR et de l'ECR
- Se rapprocher de la SIFEM (www.imageriedelafemme.org) et de son congrès annuel. Un projet de SIFEM Junior, supervisé par Asma Belkhouche, est en cours de développement. Il a pour objectif de réunir un pool d'internes et d'assistants qui s'autonomiseront pour générer des enseignements en lien avec l'UNIR et l'APIR.
- Valider la formation FORCOMED (www.forcomed.org) en sénologie
- Orienter son travail de mémoire et de thèse sur l'imagerie de la femme
- Publier si possible dans la revue Imagerie de la femme, journal officiel de la SIFEM

N'oubliez pas, la passion est clé et les erreurs sont les seules choses dont on se souvient clairement, donc n'ayez pas peur de dire des bêtises: c'est en les faisant que l'on mémorise le plus.

La Société d'Imagerie de la femme (SIFEM)
Président de la SIFEM depuis quelques mois, mon objectif principal est de rendre la qualité de formation en imagerie gynécologique la plus proche possible de celle acquise en sénologie. En sénologie, du fait du caractère très particulier du cancer du sein, les critères de qualité qui ont pu être développés font, qu'aujourd'hui, il y a une reproductibilité des examens et une couverture sur le territoire qui est très pertinente : l'imagerie sénologique est d'un très bon niveau moyen en termes de formation des médecins.
Il faut que le niveau moyen de formation en imagerie gynécologique progresse. Mais la formation est particulièrement compliquée : les terrains de stage en échographie gynécologique sont largement insuffisants, et ce n'est pas la même chose que l'apprentissage de l'échographie abdominale par exemple – là, on peut trouver des volontaires assez facilement. Les sites de formation en gynécologie doivent donc se développer et un de mes objectifs est d'améliorer le maillage du territoire avec une répartition des élèves formés pour en former d'autres. Un axe de travail potentiel est le développement de simulateurs, mais ils ne correspondent pas à la réalité du terrain. La vraie vie, c'est la formation sur patient.